Montjavoult : Balade contée
La Communauté Des Chemins vous invite à découvrir l’âme d’un lieu par la lecture du paysage : si Montjavoult m’était conté.
Le promeneur arrive au point culminant de Montjavoult dominé par l’église Saint-Martin. Il balaie du regard le panorama qui s’offre à lui.
Du haut de ce sommet, vingt millions d’années de l’histoire de la terre peuvent se lire à même le sol. Des bois, des cultures et des prairies s’étendent sur des paysages vallonnés.
Ces paysages sont ils le résultat de mouvements tectoniques, de dépôts de mers disparues, ou de fleuves oubliés ?
Peut on aussi y voir le travail de l’érosion ou bien l’intervention humaine ?
Carrières, taupes, terriers et autres chablis révèlent la nature du sol profond.
Là, dans une ruelle, un vieux mur construit avec des roches ramassées alentour devient un livre ouvert sur l’histoire minérale locale, véritable nuancier géologique.
Il peut aussi découvrir, non loin de là, des coquillages caractéristiques, témoins de mers fossiles que des renards ou des blaireaux ont fait émerger et qui le renseignent quant à l’âge du sous sol sur lequel il se trouve.
Ailleurs, des carrières lui indiquent qu’on y extrayait jadis les pierres qui ont servi à construire l’église et que l’on retrouve aussi sur les murs du village.
Sur le chemin, là où la roche affleure, la végétation est différente, des orchidées sauvages fleurissent, et l’herbe y est moins dense.
Quel lien relie chaque végétal à la nature profonde du sol ?
La prairie sur l’argile, les bois sur les roches et les sables ainsi que les cultures sur les limons et les terres calcaires nous indiquent qu'elles sont les fondations du paysage.
Les animaux sont aussi tributaires des variétés végétales. Qu’ils butinent, broutent ou fouissent, ils pollinisent, dispersent et enterrent les graines.
Les rapaces et les carnivores dominent cette chaine alimentaire.
Plus loin, le long des labours, des tessons de céramique et des restes de tuiles caractéristiques sont des signatures de vestiges antiques comme ces villas gallo-romaines nombreuses aux alentours. Des chemins connus comme étant primitifs jalonnent ces lieux. En les parcourant, on peut imaginer grâce aux anciens écrits, ces cohortes d’ancêtres qui les ont empruntés.
Peuples premiers dont les industries sont encore visibles par les pierres taillées et polies récoltées dans les champs.
Pierres levées et allées couvertes aux légendes millénaires érigées non loin de là.
Peut-on y rencontrer Blaizot, l'homme sans tête qui rode le soir pour égarer les voyageurs tardifs dans les plaines alentours ou bien la Vouivre, ce serpent ailé qui hante ces lieux ?
D’ailleurs, le menhir de la Pierre-Frite de Lavilletertre n’est autre qu’un palet que Gargantua lança du haut de Montjavoult .
L’histoire commence ici.
Montjavoult fait partie de ces points de fixation de l’histoire humaine.
Déjà hauteur refuge lorsque des fleuves géants parcouraient les vallées, mais également lieu de culte et de défense quand il y seulement 10000 ans, le sol dégelé permit aux chasseurs cueilleurs de devenir éleveurs et cultivateurs.
L’église située là est le dernier sédiment humain après bien d’autres enfouis et détruits tout au long des siècles.
Pour preuve, ses fondations sont constituées de sarcophages antiques et mérovingiens empilés. Légendes de cultes druidiques, temple dédié à Jupiter, « Montjoie, Saint Denis » des seigneurs médiévaux sont des hypothèses crédibles quant à l’origine et l’histoire de ce lieu.
Henri IV aurait appris la naissance de Louis XIII par les feux de Montjavoult qui se voyaient depuis Montmartre.
Plus tard, on communiquera avec des sémaphores placés sur le clocher.
Sur les pierres de l’église, notre promeneur remarque des graffitis, des dates et des noms de pèlerins qui parcoururent les routes, guidés par leur foi.
L’eau, que filtrent les sables, alimente deux lavoirs situés en contre bas et indique la présence de sources vénérées de tous temps. Ces sources ont la couleur des roches qu’elles traversent et leur brume teintée de nuances minérales.
Pareil à ces icônes peintes sur de la feuille d’or, le paysage semble refléter un éclairage issu des profondeurs.
Chaque roche possède sa personnalité, sa lumière, son atmosphère, autant d’éléments qui ont influencé les artistes de tout temps comme les impressionnistes dont les œuvres ont exprimé plus ce qui est ressenti que ce qui est vu.
Rien n’est figé, tout bouge, tout change, tout évolue. La lumière du sous sol rayonne différemment selon que l’on se trouve à Eragny avec Pissarro, à Giverny avec Monet ou bien à Rouen, Barbizon ou Pont-Aven.
Pareil à un tableau, le paysage se lit alors avec le regard particulier de l’artiste qui sait cadrer le remarquable.
Ainsi se conclut cette promenade originale où sciences et poésie cheminent ensemble.
Et ce ne sont pas les fantômes de Rodin, croquant les sculptures de l’église et du célèbre peintre DADO, hantant encore les lieux qui s’en offusquent.
Rédaction : Dominique et Marc Adenot 09/ 2019