Labosse : Au cœur de la vallée de l’Aunette
La Communauté Des Chemins vous invite à découvrir l’âme d’un lieu par la lecture de son paysage, Labosse au cœur de la vallée de l’Aunette.
Partant à la découverte de nouveaux « chemins qui ne mènent pas à Rome … », les explorateurs de paysages ont jeté leur dévolu sur le village de Labosse.
Venant de Porcheux, ils croisent la chaussée Brunehaut, l’antique voie romaine qui reliait Beauvais à Mantes-la-Jolie.
Quittant l’aride et caillouteux plateau du Thelle, ils descendent la côte qui traverse le bois en direction du village. Comme s’ils avaient franchi une frontière invisible, un paysage pastoral de pré-alpage s’offre maintenant à leurs yeux.
Ils découvrent alors une vallée verdoyante où serpente la rivière l’Aunette. Sur un versant, des ânes et des bovins paissent sereinement.
S’engageant dans la rue principale, ils font halte au lavoir communal, lieu de naissance officiel de la rivière.
Néanmoins les anciens situeraient sa source bien plus en amont en direction du Vauroux. Dans la vallée, les prairies parsemées de pompes à bras suggèrent que la rivière invisible coule sous la surface.
En effet, elle est parfois réapparue en résurgence lors de fortes précipitations. A proximité du lavoir, les ancres de façade d’une maison en forme de chiffre datent sa construction en 1810.
L’église Renaissance, qui figure sur une carte de 1514, domine le village. A l’entrée, une dalle funéraire finement gravée dans le marbre noir, représente la « haute et puissante dame Hélène d’O », belle mère d’une favorite d’Henri IV.
Erigé autrefois sur une motte au dessus de l’église, le vieux château a été rasé pendant la guerre de 100 ans. Quelques traces subsistent encore dans un petit bois.
Le village fut aussi ruiné.par des hordes de capitaines ligueurs dévastant les campagnes lors des guerres de religion.
Non loin de là, les écarts « mare rouge » et « mare carné » ont-ils aussi été liés à d’autres évènements tragiques ?
En effet, ces désignations étaient souvent toponymes de sanglantes exactions.
A la Mare carné, des ruines d’habitats anciens subsistent encore au milieu de nulle part. Un puits, creusé dans la craie, plonge à 80 mètres pour atteindre la nappe phréatique.
À l’entrée sud du village, le second château de Labosse, fut édifié au XVIème siècle. Richelieu ordonna sa destruction pour punir le baron du lieu, jugé criminel de lèse majesté.
En contre bas, se dresse une bâtisse qui fut pendant des siècles un moulin.
Ici, on a broyé le « waide », pastel médiéval que l’indigo remplaça.
L’étang, qui servait autrefois de vivier, lui renvoie son reflet.
Aux bords de l’Aunette, où ondule le potamot noueux, des hérons et des aigrettes enjambent élégamment la salicaire et la scrofulaire que butine un flambé.
Nos promeneurs suivent ensuite le chemin en direction du Vauroux, longeant la vallée Glinchamp dont le sous-sol est constitué d’une craie à oursins.
Ici, juste avant que les dinosaures ne disparaissent, la mer du crétacé recouvrait ce paysage champêtre.
Dans ses eaux laiteuses, une neige marine de microscopiques particules planctoniques s’est accumulée durant des millions et des millions d’années pour créer les immenses plaines crayeuses du bassin de Paris.
Parfois, au sein de cette roche, une étrange précipitation de silice, à l’origine du silex, a pétrifié la faune pélagique.
Des oursins fossiles que les labours exhument rappellent ces fonds marins.
Croisant le chemin des « Plards », ils se dirigent alors vers la gare désaffectée de Labosse. Une rencontre avec un ancien du village fait revivre le passé « … la côte était bien rude pour les familles revenant chargées des produits du marché, elles pestaient contre ceux qui avaient choisi ce tracé ferroviaire… ». Il se souvient aussi de ce facteur manchot qui, par tous temps, gravissait et dévalait la pente à vélo.
Au lieu dit « la gare de Labosse », se trouvait le point de jonction du Gisors-Beauvais et du Méru-Labosse.
Ici, des tortillards fumants chargeaient et déversaient denrées et passagers.
De ces lieux d’intense activité subsistent encore quelques bâtiments. Ainsi cette singulière maison, autrefois « café du chemin de fer », dont la façade est recouverte de céramiques décoratives incrustées du maître des fours Octave Colozier.
Comme les frères Boulenger, celui-ci réintroduisit dans l’art nouveau cette technique ancienne qui magnifiait les argiles panachées extraites dans le Bray.
La ligne Méru-Labosse sera déposée en 1934.Quant au Beauvais-Gisors, son dernier sifflement retentira en 1955.
Aujourd’hui, que reste-t-il de ce passé ferroviaire dans le paysage ?
Ici, de longues frises végétales courent dans les champs.
Là, des passages encaissés, bordés de talus surmontés de ponts que nul n’emprunte plus. Fougères et scolopendres envahissent ces lieux où niche parfois la discrète et mimétique bécasse.
Autre vestige remarquable, le long tunnel creusé dans la craie qui permettait le franchissement de la cuesta du pays de Bray. A ce jour, il ne sert plus qu’au tournage de films et tient lieu de fraicheur les jours de canicule.
Etape charnière de l’histoire humaine, l’arrivée du train soumit l’homme à la cadence des machines après de longs millénaires d’adaptation au seul rythme animal.
Depuis, la route a remplacé ces petites lignes ferroviaires qui déjà en leurs temps, avaient détrôné calèches, coches et chevaux.
Aujourd’hui, cultures et prairies dominent le paysage après des siècles de défrichements des territoires boisés.
La forêt de Thelle, toute proche, est l’ultime souvenir de ces immenses massifs forestiers qui ont recouvert la région jusqu’à la Renaissance. Au XIXème siècle, on y croisait encore le loup Echouées dans les taillis, de grandes carcasses rouillées sont les derniers témoins des charbonniers d’antan qui œuvraient dans les bois.
Au village, les femmes confectionnaient des dentelles dites de Chantilly à la lueur des bougies dans des maisonnettes appelées « cabaret ».
Ici s’achève cette balade contée où l’histoire de la terre et des hommes se mêle intimement.
Rédaction : Dominique et Marc Adenot 11/2020