Chaumont-en-Vexin : Rebetz

Le domaine du Rebetz est un écrin de verdure au cœur du Vexin. Aujourd'hui, un golf est implanté sur les terres de la seigneurie de ce nom mais son histoire remonte à la plus haute antiquité.

Lien vers la carte Zone H : Chaumont-en-Vexin

La seigneurie du Rebetz s'étendait sur la rive droite de la Troësne. Elle était séparée par le marais qui baignait la butte dominée par la forteresse des comtes de Chaumont.

Ce vaste domaine a été occupé dès le Néolithique comme l'atteste les quelques 400 pièces lithiques que Raymond Pillon a recueillies. Il y a collecté de très nombreux grattoirs, perçoirs, percuteurs mais aussi des haches taillées ou polies. Tous ces artefacts sont visibles au Musée de Chaumont-en-Vexin.

La propriété s'étendait en 1777 sur « 951 arpents 59 perches » soit un peu plus de 32 ha. Elle se répartissait en un Grand et Petit Rebetz, le premier comprenant le château, le second un hameau. Durant la Révolution, le premier avait été affublé du nom de Hameau-de-l'Unité, l'autre de Hameau-de-la-Fraternité ! Les terres étaient divisées en lieux-dits dont celui de" la Vigne" que l'on perpétue par le lotissement du "Clos de la Vigne". A cet emplacement se trouvait le verger dont subsiste la porte du XVIème siècle, récemment restaurée, à côté du pont qui enjambe le ru du Moulinet.

Qui trouvait-on ? Un poète, Jean Loret, nous le décrit en 1622 à la manière de l'époque :
On y voit des poires de Roy,
La poire du Prince,
La poire de muse,
Beau Perroquet et Bergamotte,
D'hiver masqué et d'autre sorte...
Si de nos jours des pièces d'eau ont été creusées pour pimenter le parcours de golf, ... Près d'un petit bois est un lac:
En été quelquefois les filles chaumontoises,
Sages, extrêmement aimables et courtoises,
Se promènent dessus, entre elles devisant...

D'après notre rimailleur, c'était "la huitième merveille du monde ". Il s'extasie devant "la magnificence du parc, des charmilles et des pelouses, le ruisseau (le ru du Moulinet) qui court en babillant sous les arcades de feuillage, les terrasses du château, ses rampes et ses balustres". Ce "père du journalisme" continue son reportage par l'intérieur de la demeure. Il y découvre de "grands appartements et leur parure de meubles somptueux, de tableaux rares et de vieilles tapisseries : portraits de famille de Pellevé, de Henry le Grand (Henri IV, les ennemis de jadis), de la reine Marie Médicis) et du roi Louis XIII, des natures mortes, scènes religieuses"...
Ainsi le château comptait plusieurs étages et était doté de tourelles à chaque angle. Il était protégé par un large fossé rempli d'eau franchissable par un pont-levis. Face à lui, des parterres circonscrits par un mur semi-circulaire dans lequel s'ouvrent encore des niches vides, hormis l'une d'elle abritant une vierge à l'enfant, le détachait du verger.

Certains historiens attribuent au cardinal Nicolas de Pellevé (1518 -1594) la construction du château primitif alors que des seigneurs de Rebetz existaient déjà au XIIème siècle. Ce que l'on sait, c'est que Robert Malherbe était en 1473 chevalier et seigneur de la Tour-au-Bègue et de Rebetz et qu'il légua la seigneurie à un neveu, Charles Ier de Pellevé. Celui-ci le transmet à son fils Gilles qui meurt à la bataille de Saint-Denis en 1567. Dès lors, c'est son frère Nicolas, le cardinal, qui recueille le domaine. De sa fratrie, nous trouvons Antoinette et Nicolas le jeune, nés au Rebetz respectivement en 1522 et 1524. Il est peu vraisemblable que ce fût dans une masure ! En 1791, le bien quitte la famille pour être acheté par Félix-Pierre Geoffroy de Charnois. C'est au moment du déchaînement révolutionnaire que le château primitif est sciemment détruit par son propriétaire.

Des vestiges d'avant la tourmente restent la ferme avec son colombier, les communs, la tourelle quant à elle est datée du XVIIème ainsi que les deux constructions que l'on découvre en poursuivant vers le golf. Subsiste également une porte crénelée, bouchée, située à l'arrière de la propriété. Le promeneur qui suit le chemin communal longeant le mur d'enceinte de la propriété (attention aux balles de golf) se dirige vers un croisement. En ce lieu, de sinistres fourches patibulaires attiraient corbeaux et curieux appâtés par les corps des suppliciés qui y étaient pendus. Les seigneurs de Rebetz avaient droit de haute justice, leur rang les autorisait à détenir des fourches pour trois condamnés. En 1740, le tout est démonté et éparpillé en une nuit. L'enquête diligentée pour ce vol insolite n'a pas livré les coupables, ce qui leur a évité d'être eux aussi suspendus au gibet. Le hameau en contrebas est le petit Rebetz qui accueille aujourd'hui six maisons, elles étaient vingt-cinq en 1650. Le territoire de la seigneurie s'étendait jusqu'au moulin Baudet (de Vaudeüil) qui lui aussi accueillait un poteau d'exécution !

Le château actuel* a été érigé au XIXème siècle. Il reprend dans son décor quelques éléments restant de son prédécesseur comme les parements de fenêtres. Pour notre époque en 1940, un avion d'observation Bloch 174 français vint briser ses ailes près de la porte-pont du seigneurial verger faute de carburant.

Pour en savoir plus :
Le domaine de Rebetz est aujourd'hui un golf réputé où se déroulent des compétitions renommées.
La ferme accueille un hôtel de 80 chambres et des salles de séminaires tandis que le restaurant occupe le château du XIXème siècle. Les bâtiments sont équipés pour recevoir diverses manifestations, séminaires, mariages,…

http://www.rebetz.com/fr/ 

* Peinture de Nelly LONGFIER, peintre locale, avec nos remerciements.

Rédaction : Thiéry Maille 11/2019