Ivry-le-Temple : la Commanderie

Il ne reste rien de la commanderie d’Ivry-le-Temple, totalement rasée. Toutefois, quand on évoque une Commanderie notre imagination nous entraîne vers ces fameux moines - chevaliers que furent les Templiers. Après la dissolution de l'Ordre du Temple, ses biens mobiliers ont été transmis à celui des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem ou Hospitaliers.

Lien vers la carte Zone I : Ivry-le-Temple

Dès la conquête turque de l'Asie mineure, l'accès aux" Lieux Saints" est interdit aux chrétiens. Pour que l'accès leur soit de nouveau possible, le pape Urbain II lance en 1095 l'appel de Clermont incitant à la reconquête des terres du Levant.

Jérusalem est prise aux Turcs le 15 juillet 1099. Croisés et pèlerins vont affluer et devront être accueillis, soignés et protégés. A cet effet se créent, à l'initiative de Frère Gérard, l'Ordre des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem et, en 1118, sous celle de Hugues de Payens, la Milice du Temple devenant en 1128 l'Ordre du Temple.

Afin de soutenir financièrement les frères soldats et d'en recruter de nouveaux, l'Ordre va se construire un vaste réseau de biens mobiliers gérés par des commanderies. Celles-ci vont se concentrer essentiellement sur le quart Nord-est de la France et dans le Sud-Est. De nombreuses "maisons", fiefs et terres vont accroître la puissance de l'Ordre.

Sur notre territoire, les premières acquisitions templières ont été faites au profit du Temple de Paris suite à la donation que fît en janvier 1209 un certain Haymard du Bois d'un fief composé de plusieurs maisons et "héritages" en des lieux-dits dont on a perdu les traces : la terre du Closeau, la terre de la Fosse, celle du "Bois Cornu, celle de l'Épine du Grand Villain... Le domaine d'Ivry va alors s'accroître au gré des achats et des legs consentis aux Templiers. En 1220, Jean de Trye, et son épouse Aélis de Dammartin vendent 80% de leurs terres arables situées entre Villeneuve et Ibouvillers et donnent le reste aux Templiers. La transaction se fait avec l’aval de Guillaume II de Chaumont-Quitry. L'année suivante, c'est le roi Philippe II Auguste, revenu de croisade en 1192, qui autorise aux frères militaires du Temple ("fratibus militie Templi") de pouvoir essarter cinquante arpents dans les bois qu'il détient à Chaumont. Mais c'est la maison de Tregny qui va céder de nombreux biens. En 1244, les possessions des frères sont telles que la Maison des Templiers d'Ivry peut se constituer. Le 11 octobre 1266, la Commanderie obtient la dédicace de sa chapelle Notre-Dame. A partir de cette date, ce sont les dons qui afflueront grâce aux générosités de Droco de Us, Johannes Morel de Fay, Raoul d'Alleré et biens d'autres. Certains lèguent leurs avoirs après leur décès ; Bertrand de Franc Chastel abandonne quant à lui toutes ses possessions à l'Ordre de son vivant...

"La Commanderie est essentiellement une entreprise agricole : elle récolte son blé, son vin, son foin, son bois, sa viande et son poisson, et vend le surplus, tout cela comptabilisé au plus juste." Construite sur un même schéma, on peut avancer que la Commanderie d'Ivry devait accueillir un couvent, une vaste grange, le réfectoire des chevaliers, leur dortoir, l'écurie, des greniers et la salle du Chapitre. Sur une tour flottait le Baussant, le gonfanon de l'Ordre

Mais loin d'ici, le ciel s'assombrit pour les Moines-Chevaliers. La Terre Sainte est évacuée en 1291 ; Philippe IV le Bel est au pouvoir et a besoin d'argent. De plus, il a comme projet de réunir en un seul Ordre les Templiers et les Hospitaliers afin qu'il puisse en devenir le Grand Maître. On connaît la suite, les Templiers sont arrêtés, condamnés, exécutés. Le 13 mars 1314, le dernier Grand Maître Templier, Jacques de Molay, meurt sur le bûcher.

La succession ne se fait pas dans la sérénité. Le Grand Maître Hospitalier, Foulques de Villaret, doit désigner le 17 octobre 1312 un comité chargé de négocier avec le roi de France la récupérations des biens templiers. Les différents dureront tout au long des règne des derniers capétiens directs, les fils de Philippe le bel.

En 1325, Frère Jehan Pilon devient le premier commandeur hospitalier d'Ivry. Le 23 mai 1328, il recevra au nom des Frères du Temple, alors que ceux-ci ont été dissouts, tous les biens de Jehan de Saint-Denis et sa femme Péronnelle habitant au village.

Après la gouvernance de trois autres frères, ce sont des chevaliers qui auront la charge de la Commanderie. Guillaume de Munte reçoit ainsi de Messire Jehan du Fayel, prêtre et doyen de Chaumont un don en nature : 7,5 mines d'avoine (750 litres) ainsi que les revenus de la taxe du champart, celle due par le paysan à son seigneur le 6 juillet 1391.

Les pérégrinations de l'Ordre Hospitalier, passant successivement du Levant à Rhodes puis à Malte, ne l’empêchent pas d'assurer sa mission d'accueil et de soins. Un chemin de Saint-Jacques passait près de la Commanderie, les pèlerins devaient y trouver gîtes et couverts tandis que les locaux pouvaient s'y refaire une santé.

Mais malgré tout, l'audit de 1495 révèle que le revenu de la commanderie n'était que de 119 livres. (10 500 €). Au cours des XVème et XVIème siècle, la Commanderie d'Ivry va s'adjoindre celles de la Landelle, de Messelan, de Compiègne ainsi que diverses maisons à Bernes, au Mesnil-Saint-Denis, à Baillon puis Gandicourt. De cela résulte une augmentation des revenus qui en 1757 se montaient à 76 000 € et en 1783, à 130 800 €.

La Révolution met fin aux Commanderies. Désormais, plus rien, hormis les noms des rues du village et une croix rouge, rappelle la présence de cet établissement qui a tant marqué Ivry-le-Temple.

Rédacteur : Thiéry Maille 11/2020

Pour en savoir plus :
https://www.templiers-chevaliers.com
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_du_Temple