Chaumont-en-Vexin : La Forteresse

Dominant le paysage, protégée par le marais, la forteresse de Chaumont a durant des siècles occupé une place stratégique aux marges du royaume de France. Aujourd'hui, de rares vestiges évoquent ce passé glorieux mais surtout tragique.

Les terres portant les ruines de cette citadelle sont privées et appartiennent toujours à la famille de Chaumont-Quitry, Philippe en étant l’actuel Comte.

Lien vers la carte Zone H : Chaumont-en-Vexin

Vous êtes ici (photo2). L'implantation de la forteresse se fait sur le site d'une petite abbaye bénédictine carolingienne. Nous sommes au IXème siècle et la Francie, ou France occidentale, est en proie aux invasions des hommes du Nord, les Normands.

Est-ce en tant que commanditaire, en tant que reconnaissance ou bien pour un homonyme que le fief prît le nom de "Tour au Bègue" sous le règne de Louis II le Bègue ? Quoiqu'il en soit, il semble que dès le IXème siècle Chaumont ait été possession royale placée entre les mains des premiers Comtes de Chaumont. C'est à cette époque que se construit la première fortification en bois de forme ovalaire englobant l'abbaye. Les vestiges montrent que ses grands axes mesuraient 180 et 125 mètres. Un premier fossé marquait l'enceinte hérissée de pieux tandis qu'un second fossé protégeait une tour ancrée sur une motte réalisée à partir des déblais. Une basse-cour abritait le village avec tout l'artisanat nécessaire pour assurer une certaine autarcie.

A la signature du traité de St Clair-sur-Epte marquant la fin des exactions vikings, la Normandie devient duché. La dynastie carolingienne est remplacée par celle des capétiens. Henri Ier s'étant allié au duc de Normandie Robert le Diable pour régler un conflit l'en remercie en lui cédant en 1031 " Pontoise, Chaumont et tout le Weulguessin, de l'Oise jusqu'à l'Epte" (Weulguessin = Vexin en vieux français ). Hélas, cette entente ne dure pas et Philippe Ier, le fils d'Henri, profitant de la vacance du comté chaumontois, s'en empare pour occuper une place stratégique face aux Normands. C'est alors que Chaumont se retrouve "Marche du royaume". De chaque côté de l'Epte se dresse au fil des ans une véritable ligne Maginot face à une ligne Siegfried ! De par sa position et le relief qu'offrent la butte, Philippe va armer la forteresse pour en faire un des plus puissants châteaux royaux.

La forteresse se voit dotée d'une enceinte en pierre garnie de seize tours crénelées. Le fossé protégeant l'ensemble était franchi par un pont dormant et une passerelle escamotable. La porte devait immanquablement barrer le chemin ancestral qui traverse encore aujourd'hui le site. Un donjon remplace la tour de guet. Les documents montrent que ce donjon circulaire comptait trois étages et huit contreforts extérieurs. Son diamètre affichait 18 mètres pour une hauteur probable d'environ 20. Les fossés secs sont bien sûr conservés et probablement aussi la contrescarpe maçonnée. Des souterrains reliaient les points de la place et sont encore dans la mémoire d'anciens chaumontois. Sur la face interne de la muraille castrale s'établissait les modestes constructions des soldats, environ 200, et des personnels assurant la logistique. A l'extérieur de cette enceinte s'étendait le village qui était une cible facile pour les assaillants. Sous Philippe Ier, la construction d'une seconde enceinte propre au village fut édifiée. Sage précaution car en 1098, Guillaume le Roux, repoussé de Pontoise, se replie sur Chaumont dont il tente le siège mais il est victorieusement repoussé par, Osmond Ier de Chaumont. En 1112, le bourg et ses environs sont incendiés et pillés par les troupes d’Henri Ier Beauclerc.

Il faut donc consolider la ligne de défense et achever la fortification du bourg chaumontois d'autant plus qu'en 1140, celui-ci est de nouveau attaqué, pillé et une nouvelle fois incendié. La restructuration s'opère en vidant le cœur de la forteresse de ses éléments non strictement militaires et religieux, tandis qui prend place un logis royal. On garde de celui-ci une partie du soubassement du pignon ouest ainsi que du mur sud "construit en bel appareil régulier" (M. Morel, 1997). Le logis était entouré de fossés muraillés, le toit couvert d'ardoises. Une maquette (8) de l’édifice est visible au Musée Raymond Pillon. Dans l'enceinte castrale, l'abbaye Saint-Pierre donnée à l'abbaye royale de Saint-Denis devient un simple prieuré. Dotée d'une charte communale sous Henri Ier, Chaumont se doit d'être protégée des assauts anglo-normands. La muraille d'enceinte était interrompue par une porte située face à l'escalier ancien menant à l'église St Jean-Baptiste. Elle est maintenant protégée par un châtelet dont on peut encore voir des vestiges de murs. Une église paroissiale vouée à Notre-Dame est édifiée face à la porte castrale. Elle mesurait environ 25 m sur 13 et était armée de 14 contreforts et couverte de tuiles. Pendant ce temps, en 1154, Henri II d'Angleterre, le mari de l'ex-épouse de Louis VII, accède au trône d'un royaume qui menace sérieusement le modeste domaine du roi de France. Les relations s'enveniment et malgré le mariage des enfants des deux rivaux, les Anglo-normands pillèrent et incendièrent pour la troisième fois la ville en 1167. La forteresse résista et souffrit peu.

Cependant, les habitations du village, furent totalement détruites. Après cet incendie, la ville abandonna le versant de la colline pour venir s'étaler sur les bords de la Troësne. En 1172, Louis VII, sa fille Marguerite et Henri le jeune, son époux, séjournent au Logis royal et l'année suivante, c'est Saint-Pierre de Tarentaise qui l' honore de sa présence. Lors de la seconde guerre de cent ans, Chaumont sera encore dévastée en 1358 par Charles le Mauvais. Après la reconquête par Charles VII, la forteresse perdra de son utilité et sera entièrement démantelée.
Une reconstitution en 3 dimensions est en cours d’élaboration.

Rédacteur : Thiéry Maille 05/2020

Référence :
MOREL M. et coll. (1997). - La forteresse médiévale de Chaumont-en-Vexin du IXème au XIIème siècle. – Docu. Inédit, Groupe d’Étude et de Recherche Archéologique (GERA), Communauté de Communes. du Vexin-Thelle, 37 p.